Sarkozy, atlantisme et Scientologie

La chose est entendue, l’atlantisme aura son vainqueur le 6 mai prochain. François Hollande et Nicolas Sarkozy sont, en effet, tous deux, des candidats atlantistes. Mais, l’un d’entre eux semble pousser son atlantisme jusqu’à donner des gages de sympathie à l’égard d’une secte jugée dangereuse et criminelle par la justice française [1]

Nicolas Sarkozy a manifesté une certaine mansuétude à l’égard de la Scientologie lorsqu’il était Ministre de l’Intérieur, freinant, semble-t-il, les procédures en cours contre la secte. En 2003, Claude Guéant, directeur de cabinet du Ministre de l’Intérieur, relève de son poste aux Renseignements Généraux le spécialiste des sectes, Arnaud Pellisson, qui venait de publier une thèse critique sur la Scientologie. Nicolas Sarkozy a reçu en 2004 le représentant vedette de la secte, Tom Cruise, lors d’un passage en France de l’acteur, venu en mission pour convertir à la Scientologie Jacques Chirac et son ministre Sarkozy. Jacques Chirac a refusé de le rencontrer, pas Nicolas Sarkozy. Une fois Nicolas Sarkozy devenu Président, la directrice de cabinet de l’Élysée, Madame Emmanuelle Mignon, s’est cru autorisée à déclarer publiquement, en février 2008, qu’elle s’interrogeait sur le caractère sectaire de la Scientologie [2].

Sarkozy, Cruise et la Scientologie

Une modification de la loi pénale [3], intervenue discrètement le 12 mai 2009 à l’instigation de députés de la majorité présidentielle, a empêché que la Scientologie puisse être dissoute pour escroquerie, alors que la secte était poursuivie pour de tels faits devant les tribunaux. Devant le tollé provoqué par la révélation (tardive) de cette modification, par la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), le Parlement est revenu sur la modification législative. Cependant, la Scientologie a pu bénéficier de la modification, en vertu du principe du droit pénal français qui veut que toute personne poursuivie devant les tribunaux bénéficie de la loi pénale la plus douce au moment du procès, même si la loi est modifiée en cours de jugement. Ainsi seule la Scientologie a pu profiter de cet égarement parlementaire opportun.

Depuis des décennies, l’État américain défend l’Église de Scientologie au point de critiquer très fortement les pays qui freinent son expansion, en les stigmatisant, dans ses rapports annuels sur les violations des droits de l’homme, comme des pays portant atteinte à la liberté religieuse. Là aussi, personne n’aurait rien à redire au combat mené par le Département d’État en faveur de la Scientologie, s’il s’agissait de défendre le principe de la liberté religieuse. Mais, quand on connaît les coulisses du pouvoir américain et sa perméabilité à l’influence financière de la Scientologie, on peut ouvertement douter de la sincérité de la démarche américaine en cette matière.

L’attitude de Nicolas Sarkozy envers la secte est peut-être un signe supplémentaire de son allégeance idéologique (son atlantisme) envers les États-Unis. C’est également la manifestation de la puissance des intérêts privés au sein de nos appareils démocratiques.

1. Voir, notamment, l’émission de Canal + « 90 Minutes » diffusée le 31 mai 2005 qui aborde ce sujet. Extraits de l’émission disponibles sur Dailymotion : [http://www.dailymotion.com/video/x1oo1r_sarkozy-joue-t-il-avec-le-feuy_news] .
2. VSD, numéro 1591, 20-26 février 2008 : [http://www.vsd.fr/contenu-editorial/l-actualite/les-indiscrets/288-emmanuelle-mignon-a-vsd-les-sectes-sont-un-non-probleme]…Propos qu’elle réfute avoir tenus. Les journalistes maintiennent néanmoins leur version des déclarations de Madame Mignon.
3. Voir : « Modification de la loi : la Scientologie à l’abri de la dissolution », Le Nouvel Observateur, 15 décembre 2009 : [http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20090915.OBS1209/modification-de-la-loi-la-scientologie-a-l-abri-de-la-dissolution.html]

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