Prologue.
Ligne de démarcation et Inversion accusatoire.
Lecteur régulier du Monde Diplomatique avant le 11 Septembre 2001, je m’en suis détaché peu à peu depuis, ressentant une sorte de malaise à chaque fois que je parcourais ses articles. La description que les journalistes du mensuel faisaient de la réalité géopolitique de notre monde me semblait toujours plus éloignée de ma perception des choses. Cette différence je l’attribue en partie aux attentats du 11 Septembre qui ont crée une ligne de démarcation entre ceux qui défendent la version officielle et les autres. Les grands médias occidentaux ont tous été contraints de dire – au cours d’une sorte de procès de Moscou mondialisé – de quel côté de la ligne ils se situaient. À l’unanimité, ils ont choisi de défendre la version officielle, Le Monde Diplomatique ne faisant pas exception à ce conformisme général.
Ce choix est révélateur des véritables lignes de fronts qui parcourent nos sociétés occidentales, car on ne peux pas être raisonnablement contre le système oligarchique qui nous gouverne si on accepte sans sourciller la version officielle des attentats du 11 Septembre (tant celle-ci est absurde). On ne peut pas s’opposer au « choc des civilisations » et à ses conséquences géopolitiques si on n’explique pas les causes et les événements qui les justifient. Pour évaluer l’esprit critique d’un journaliste ou d’un intellectuel quelconque (professeur d’Université, historien, écrivain) on pourrait s’adresser à lui en ces termes : « Dis-moi ce que tu penses du 11 Septembre 2001 et je te dirais qui tu es. »
À l’occasion d’une conférence sur le système démocratique à laquelle l’association des Amis du Monde Diplomatique de Montpellier m’avaient convié, j’ai pu observer de près à quel point les attentats du 11 Septembre étaient toujours une ligne de démarcation qui déclenchait des réactions hostiles au sein de la sphère du Monde Diplomatique à l’égard de celui qui se trouvait du mauvais côté de la ligne (j’y reviendrai). À la suite de cette conférence, je me suis intéressé également aux autres lignes de démarcation qui pouvaient exister et à propos desquelles Le Monde Diplomatique se situait résolument, comme pour le 11 Septembre, du côté de la version officielle.
Il n’est pas inutile de rechercher et de lire entre ces lignes (à la fois de démarcation, de front et de fracture) pour comprendre qui est vraiment Le Monde Diplomatique aujourd’hui, lui qui se range volontiers dans le camp de la dissidence et de l’opposition frontale au pouvoir oligarchique occidental et qui le fait avec une certaine véhémence verbale. Identifier les lignes qu’il s’interdit de franchir permet de lever le masque des apparences contestataires et alternatives pour révéler un journal plus accommodant avec les préjugés des élites politiques et médiatiques qu’il n’y paraît.
Le Monde Diplomatique aime dénoncer les travers de l’univers médiatique, ses mille et une connivences avec les milieux politiques et d’affaires, le ridicule de ses acteurs pour qui l’information n’est jamais qu’une des nourritures de la communication et de la propagande libérale. Il livre à la vindicte de ses lecteurs, avec une sorte de jubilation, tous « les nouveaux chiens de garde » du système. Mais, ne les renvoie-t-il pas ronger leur mauvaise conscience sur des sujets mineurs, comme autant d’os décharnés, tout en les caressant dans le sens du poil sur des sujets majeurs ?
Les Nouveaux Chiens de Garde c’est le titre d’un livre de Serge Halimi, directeur du Monde Diplomatique, et d’un film dont il est le scénariste. Le livre et le film se veulent « une critique radicale et intransigeante des médias »[1], pendant des critiques que Le Monde Diplomatique adresse au système capitaliste et à ses dérives.
Il est sans doute temps d’entreprendre une « critique radicale et intransigeante » de ce média qui, de l’accusation tous azimuts, a fait son fonds de commerce, et d’observer quel portrait il peut en ressortir. Nous verrons que les principales accusations qu’il lance à ses confrères lui vont comme un gant et lui reviennent en plein visage.
Comme Le Monde Diplomatique et ses animateurs, nous ne nous embarrasserons pas trop de circonvolutions attendrissantes, reste d’un vieux fond de respect dû à ce qu’il a pu représenter dans le passé, pour le dépeindre tel qu’il est aujourd’hui et tel qu’il se refuse à se percevoir dans le miroir de ses propres accusations.
« Aujourd’hui, les chiens de garde, ce sont ces journalistes, éditorialistes et experts médiatiques devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre social. Sur le mode sardonique, Les Nouveaux chiens de garde dressent l’état des lieux d’une presse volontiers oublieuse des valeurs de pluralisme, d’indépendance et d’objectivité qu’elle prétend incarner. »[2] (Plaquette de présentation du film « Les Nouveaux chiens de garde »)
La contestation contrôlée
Le mensuel Le Monde Diplomatique est au bourgeois contestataire ce que le quotidien Le Monde est au bourgeois cultivé : la référence et la nourriture intellectuelle de ses conversations mondaines et de ses espérances sociales.
Le bourgeois contestataire croit trouver dans Le Monde Diplomatique une vision alternative des grands événements contemporains qui se démarquerait de celle véhiculée par la grande presse et les grands médias. Un rapide tour d’horizon du traitement journalistique par Le Monde Diplomatique de quelques uns de ces grands événements (11 Septembre 2001, instrumentalisation du terrorisme islamique, guerre de l’OTAN contre la Libye, déstabilisation de la Syrie, etc.), nous permettra de comprendre la vraie nature de ce mensuel de référence pour la bourgeoisie sociale et contestataire française.
Nous verrons que la vocation du Monde Diplomatique est d’être, lui aussi, un chien de garde du système, tout en se positionnant hors du système pour attirer vers lui le flot des âmes en peine d’alternatives et pour donner des bornes raisonnables à la contestation. Son rôle, au sein du système oligarchique occidental français, est, avec d’autres, de contrôler le torrent de la contestation et de tirer à vue sur ceux qui dépassent les bornes qu’il a fixées. En échange de quoi il reçoit (i) l’estime de l’intelligentsia contestataire, prêtresse de l’inaction et grande agitée du bocal sans ambition politique concrète, (ii) l’appui financier du système (notamment à travers son actionnaire principal, Le Monde, qui détient 51% de son capital) et (iii) la garantie d’un quasi-monopole sur la pensée alternative et son marché captif (ce qui permet d’offrir aux animateurs de la contestation les privilèges d’une rente intellectuelle et financière sans risques physiques et économiques pour leur honorable personne).
Ce travail de contrôle, Le Monde Diplomatique n’est évidemment pas le seul à l’accomplir (on pense notamment à Politis, au Canard Enchaîné, à Charlie Hebdo), mais, en raison de son influence dans les cercles (bourgeois) alternatifs, il est intéressant de s’attarder un instant sur ses méthodes pour comprendre (i) comment fonctionne la contestation contrôlée dans nos régimes de démocratie représentative, (ii) comment ce vieux chien de garde refuse sciemment de livrer à ses lecteurs les clés de compréhension du système oligarchique occidentale pour que la contestation reste courtoise et marginale, abstraite et symbolique, vague et ambiguë, en somme inoffensive.
L’objet de la contestation contrôlée est simple : il s’agit de permettre de contester le système sans l’ébranler, de le critiquer sans lui faire peur, d’aboyer contre l’oligarchie qui le dirige et de faire rentrer les chiens trop enragés dans leur niche à la moindre sommation du maître. Ses principaux moyens sont les suivants : (i) user de la rhétorique de disqualification pour mettre médiatiquement hors jeux les mauvais esprits (sous les épithètes de « théoriciens du complot » ou « d’antisémites » notamment), (ii) refuser de livrer les principales clés de compréhension du système oligarchique contemporain pour entretenir une colère impuissante dont la traduction concrète se résume à l’acte d’achat du médias contestataire, (iii) se contenter de dénoncer les méfaits d’un système (capitaliste, consumériste, financier, etc.) de façon générale et (iv) ne jamais attribuer ces méfaits à des individus ou groupes d’individus bien identifiés qui assumeraient leurs desseins criminels et qui, s’ils se sentaient visés, pourraient venir troubler la tranquillité intellectuelle et marchande du médias en question.
L’Occident et l’instrumentalisation du terrorisme islamique
Dans ses nombreux articles sur le Moyen Orient et les « printemps arabes » Le Monde Diplomatique se garde bien de nous expliquer la manière dont les puissances occidentales ont instrumentalisé le terrorisme islamique à des fins géopolitiques. Il s’agit, pourtant, de l’une des principales clés de compréhension du monde contemporain, sans laquelle (i) les printemps arabes de Libye et de Syrie ressemblent à un conte de fées pour consommateurs de fables démocratiques, (ii) la chute de Kadhafi peut être naïvement perçue comme l’avènement de la Raison Démocratique dans une contrée auparavant livrée à la folie exterminatrice d’un dictateur panafricain fantasque et délirant et (iii) la déstabilisation de la Syrie ne peut être dépeinte que comme la lutte entre un tyran sanguinaire tueur d’enfants et un peuple héroïque prêt à se sacrifier pour obtenir la liberté, l’égalité et la fraternité que les bons Occidentaux ont tout fait pour lui octroyer, mais que les méchants Russes et les Chinois s’ingénient à leur refuser.
En choisissant de ne jamais évoquer ouvertement l’alliance Wasp-Wahhabite-Sioniste à l’origine du terrorisme islamique contemporain (à laquelle la France atlantisée participe avec toute la génuflexion nécessaire à ses maîtres du jour), alliance qui est un secret de polichinelle dans les milieux du renseignement, Le Monde Diplomatique empêche sciemment son lecteur de comprendre quoi que ce soit (i) à la montée en puissance du terrorisme islamique au niveau mondial (qui serait resté un épiphénomène sans l’aide de l’Occident), (ii) à la guerre civile en Tchétchénie (et à la diabolisation de la Russie), (iii) au 11 Septembre 2001 (et à la substitution de l’ennemi soviétique par l’ennemi musulman), (iv) à la guerre en Irak (et à son éclatement), (v) à la guerre en Libye (et à son démembrement programmé), (vi) au Soudan (et à sa partition), (vii) à la déstabilisation de la Syrie et à celle du Liban, et enfin (viii) à la guerre (en cours[3]) contre l’Iran.
Dans tous ces drames humains, dans tous ces « événements », Le Monde Diplomatique ne voit que les conséquences de politiques ineptes et non pas le résultat recherché par des volontés criminelles ; il ne veut pas voir les objectifs, les calculs, les desseins, les manipulations derrière les tas de cadavres et les pleurs des nations martyrisées par ou avec l’aide de l’Occident. Cela le dispense de devoir cibler ses accusations, de décrire dans le détail les crimes de nos élites et de paraître dénoncer les puissants et, partant, lui évite l’accusation infamante et disqualifiante de « complotisme » (nous y reviendrons) ou de « populisme ».
Le mal comme conséquence (involontaire) et non plus comme moyen (conscient) semble être le nouveau credo de la gente journalistique occidentale. Le mal est alors perçu comme une fatalité plutôt que comme une motivation. La responsabilité morale de celui par qui le malheur est arrivé s’en trouve grandement diminuée. En adoptant ce point de vue, Le Monde Diplomatique détourne toute incrimination de nos classes dirigeantes. Ni Sarkozy ni Hollande ne sont perçus ni présentés comme des criminels de guerre, ce qu’ils sont pourtant sans l’ombre d’un doute (le premier pour sa responsabilité dans les massacres de civils en Libye ; le second pour le soutien indéfectible qu’il apporte au Qatar et à l’Arabie saoudite dans la tentative de mise en coupe réglée de la Syrie). Le mensuel se préfère diplomatique et présente nos commis comme de simples incompétents prenant de mauvaises décisions. Cette métaphysique de la litote frise la relaxe ; car, sans intention de commettre un crime il n’y a plus que des erreurs, mais, on oserait à peine le faire remarquer, les victimes ne s’en portent pas mieux pour autant. On est là au cœur du crime médiatique qui cherche à disculper alors qu’un procès doit être instruit et qui transforme nos dirigeants en pieds nickelés.
Ainsi, pour ne prendre que des exemples récents, Le Monde Diplomatique a fermé les yeux, comme tous ses confrères, sur les raisons de la chute de Kadhafi en Libye et de la descente aux enfers de la Syrie. Le Monde Diplomatique s’est fait le relais de la version officielle dans ses moindres détails. Cet aveuglement volontaire est un crime médiatique qui est une composante à part entière du crime politique et militaire dont les civils libyens et syriens ont été les principales victimes pour que s’accomplissent les objectifs géopolitiques des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie saoudite principalement (et, subsidiairement, de la France et de la Grande-Bretagne).
Chavez avait compris le jeu pervers de nos démocrates aux mains sales ici et ailleurs. Il fut tancé par Le Monde Diplomatique lorsqu’il prit courageusement et publiquement position en faveur de Kadhafi et de Bachar al Assad[4]. Conscient de la déstabilisation orchestrée par les grandes puissances occidentales en Libye et en Syrie à travers l’appui financier, militaire et diplomatique qu’elles ont apporté aux légions terroristes wahhabites pour que celles-ci puissent transformer des nations rebelles à l’Empire en des terrains vagues pour égorgeurs et violeurs en série filmant leurs jouissances pornographique sur leurs portables, conscient que leurs objectifs était la domination dans ce qu’elle a de plus brutale (« le capitalisme ou la mort ») et non pas la libération des peuples d’un joug dont ils ne pouvaient se débarrasser eux-mêmes, le Président vénézuélien a osé mettre à nu les prétentions humanitaires de nos chefs de tribu occidentaux.
Le Monde Diplomatique, comme tout bon chien de garde du système oligarchique, maintient l’opinion publique dans l’ignorance des crimes majeurs commis par ses représentants et leurs donneurs d’ordre, lui ôtant ainsi une part de rage qui pourrait la conduire à chercher une solution politique radicale aux dépends des démocrates aux mains sales qui nous gouvernent. Il participe, à l’unisson des médias non alternatifs, à faciliter le profond travail de dissimulation de la réalité brute et brutale des faits en forgeant une vision unilatérale et lisse de l’histoire contemporaine dont les aspérités dérangeantes pour les élites occidentales sont effacées de la conscience collective afin que l’opinion publique consomme des fables et des mythes. Ainsi, l’unanimité des médias à laquelle Le Monde Diplomatique apporte sa contribution, sur des sujets comme les révoltes arabes en Libye et en Syrie, le 11 Septembre 2001 ou le massacre de Boston de 2013, permet de maintenir le vernis démocratique sans lequel nos dirigeants perdraient leur légitimité et le respect (même relatif) des foules.
« Il y a eu crime médiatique quand les médias ont inventé la fable du bombardement de Benghazi par Kadhafi pour envahir la Libye, quand ils ont laissé, sans broncher, les dirigeants occidentaux, avec la caution morale de quelques intellectuels atlantistes (dont J.B. Botul), donner le pouvoir à des milices wahhabites proches d’Al-Qaeda et créer une guerre civile afin d’accomplir des objectifs géostratégiques dont les peuples d’Occident et d’Orient ne verront jamais les bénéfices (moraux ou matériels).
Il y a crime médiatique quand les médias attribuent de manière opportune la paternité des massacres en Syrie (Houla) au clan au pouvoir pour faire tomber un régime qui ne répond plus à leurs objectifs dans la région ; il y a crime médiatique quand l’Occident peut, sans que les médias ne s’en émeuvent, armer des groupes terroristes, organiser des massacres de civils et apporter la guerre civile et religieuse dans un pays en paix. »[5]
11 Septembre 2001 : Le délitement causal et la disparition du mal
Avec Le Monde Diplomatique, il n’est presque plus question des crimes odieux de l’Occident, du moins depuis le 11 Septembre 2001 où l’accusation de complotisme semble avoir fait des ravages au sein des cervelles intellectuelles de ses éditocrates et journalistes. Car, accuser l’Occident d’avoir provoqué la déstabilisation de la Libye et de la Syrie, avec l’aide de légions wahhabites fiancées par l’Arabie saoudite et le Qatar, pour renverser des dirigeants qui ne répondaient pas à leurs diktats, serait faire preuve du complotisme paranoïaque le plus aigu. Accuser l’Occident de couvrir, voire de perpétrer, les crimes les plus odieux en Syrie, contre les femmes et les enfants pris comme victimes expiatoire de ses calculs géopolitiques pervers, pour ensuite les attribuer au régime en place, serait faire montre d’un déséquilibre psychologique anti-démocratique.
Avant le 11 Septembre, Le Monde Diplomatique voyait le mal occidental partout, maintenant, il ne le voit plus guère qu’en contre-jour, de manière circonstancielle, accidentelle, mais jamais comme le résultat d’une décision précise d’entités ou de personnes identifiées ou identifiables. Depuis le 11 Septembre nous sommes dans une sorte de « parenthèse enchantée » pour reprendre la belle expression de Lalo Vespera, où il n’existe plus de volonté mortifère, de plans criminels et où nos dirigeants ne peuvent vouloir le mal de quiconque ni recourir à des crimes de masse pour faire avancer la marche triomphante du capitalisme dans les contrées qui s’y sont refusées. Finis les escadrons de la mort sponsorisés par l’Occident (comme en Amérique latine dans les années 60-70-80), fini le financement du terrorisme islamique (comme en Afghanistan dans les années 80), finie la realpolitik en somme ! Tout cela appartient au passé et nous pouvons dénoncer les bourreaux à la retraite de l’histoire à loisir sans risquer les foudres des anti-complotistes primaires.
Ne plus pouvoir prêter d’intentions criminelles à nos dirigeants tel est l’objectif de ces accusations de complotisme, objectif auquel Le Monde Diplomatique apporte sa caution intellectuelle et morale. Par un curieux contraste, Le Monde Diplomatique qui se prétend un pourfendeur de l’islamophobie ambiante, accepte, sans broncher et sans pièces à conviction, que les attentats attribués à des musulmans à barbes longues, comme ceux du 11 Septembre 2001 aux États-Unis, aient toutes les composantes des complots tels que l’industrie du film américain aime à nous les faire voir et revoir (avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre, séparés par une frontière civilisationnelle clairement marquée).
On n’établit plus de liens causaux, on ne cherche pas les effets qui procèdent des causes, on évite les conclusions qui découlent des multiples faisceaux d’indices, on cherche juste à publier la liste des coupables fournie par les services de communication de la Maison Blanche. Raisonner, faire des liens, se poser des questions sont des activités coupables, suspectes, dangereuses même.
Ainsi, les mille et un faisceaux d’indices qui convergent pour désigner les néoconservateurs (WASP et Sionistes) comme les organisateurs des attentats du 11 Septembre, avec l’appui logistique du Mossad et des services secrets d’Arabie saoudite (et peut-être du Pakistan), sont balayés d’un revers de la main, ne sont ni analysés ni débattus ni soumis à un examen critique par Le Monde Diplomatique et ses confrères.
Se comporter en cartésien sur le 11 Septembre (mais aussi sur le conflit libyen, la tragédie syrienne, le massacre de Boston) fait de vous un être déséquilibré destiné à l’asile psychiatrique ou, au choix, un responsable d’Auschwitz, un ami de Goebbels ou un disciple de Mengele (voir ci-dessous). Le Monde Diplomatique a peur de devoir établir des liens logiques, de devoir conclure, de devoir raisonner. Il préfère le confort de l’anathème, de l’ignorance, de la censure. Pour lui, il n’est nul besoin de démontrer, il suffit d’injurier. Il est inutile de débattre, il convient de censurer. La version officielle du 11 Septembre est la camisole de force que l’oligarchie et ses serviteurs ont passée aux enfants de Descartes.
Dénoncer
Un exemple frappant de rhétorique (préventive) de disqualification où se mêlent, en quelques phrases, amalgames, ellipses logiques et procès d’intention, peut être trouvé dans le livre d’Alain Gresh (directeur adjoint du Monde Diplomatique) sur le conflit palestinien : « Les négationnistes ne sont pas les seuls groupes dont les théories résistent à la réalité. Des millions d’Américains pensent que leur gouvernement et le monde sont infiltrés par des extraterrestres. Depuis une dizaine d’années, certains, dont des scientifiques confirmés, prétendent que le virus HIV n’est pas à l’origine du sida. En France, on a vu se propager la théorie délirante selon laquelle aucun avion ne se serait écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001. Mais les thèses de Robert Faurisson et de ses adeptes s’alimentent de l’antisémitisme traditionnel et, plus récemment, s’ancrent dans la critique radicale de l’État d’Israël »[6].
Cette logorrhée, que l’on retrouve dans tous les papiers des moines copistes du journalisme contemporain, et qui ressemble à un aveu de faiblesse intellectuelle, ne mérite pas de plus ample commentaire. Face à ce manque de dignité intellectuelle il nous vient juste l’envie de confirmer notre hérésie et de revendiquer notre « complotisme », l’autre nom de la paranoïa critique méthodologique (à la base du journalisme réel) qui refuse de se rendre à l’évidence officielle le front honteux et la tête basse !
Censurer, Punir, Contrôler
L’édition norvégienne du Monde diplomatique a publié dans son numéro de juillet 2006 un dossier sur le 11 Septembre contestant la version officielle comme peu de journaux avaient osé le faire auparavant. Le rédacteur en chef et propriétaire du Monde Diplomatique Norvège de l’époque[7], Truls Lie, raconte dans une interview[8] accordée au journaliste Olivier Taymans que Le Monde Diplomatique lui a tout simplement interdit de publier les articles de ce dossier spécial 11 Septembre en France. En guise de réponse au débat suscité par le dossier norvégien, Le Monde Diplomatique publiera en décembre 2006 un article du journaliste américain Alexander Cockburn[9], intitulé « Le complot du 11 Septembre n’aura pas lieu » (avec un surtitre éloquent : « Scepticisme ou occultisme ? ») dans lequel les « conspirationnistes » sont comparés à des adeptes de l’occultisme. L’une des personnes visées dans l’article, David Ray Griffin (un spécialiste de la question s’opposant à la version officielle), s’est vu refuser la publication d’un droit de réponse dans l’édition française du Monde Diplomatique (droit que la version norvégienne lui accorda cependant).
Voici, maintenant, un exemple de tentative de censure également révélateur de la position dogmatique – sur le 11 Septembre – d’une des principales structures qui gravite autour du mensuel : Les Amis Monde Diplomatique. Mais, avant de décrire cette tentative, essayons de comprendre qui sont ces Amis qui veulent du bien au Monde Diplomatique.
Les Amis du Monde Diplomatique sont présentés par Serge Halimi (directeur du mensuel) et par Dominique Franceschetti (président des Amis), dans un texte commun, comme « une structure composée de lecteurs militant pour l’indépendance économique du journal » qui détient 25% du capital de la société éditrice du Monde Diplomatique. Première remarque : détenir 25% du capital du mensuel ne permet pas de faire grand-chose en termes d’indépendance économique quand le principal actionnaire, Le Monde, détient 51% de celui-ci. Deuxième remarque : l’analyse de la composition du Conseil d’administration révèle le rôle totalement négligeable des lecteurs anonymes et militants et celui, prépondérant, d’une cohorte de personnalités proches de la direction du mensuel. Ce Conseil d’administration est, en effet, composé d’administrateurs élus tous les cinq ans, pour deux tiers de ses membres par un collège des fondateurs et, pour le tiers restant, par les adhérents (les lecteurs anonymes). Il est intéressant de regarder qui sont les membres du collège des fondateurs : il ne s’agit évidemment pas des milliers de lecteurs qui apprécient le journal, mais de journalistes collaborateurs du mensuel ou de personnalités proches de sa direction.
Ainsi, on peut dire que l’association Les Amis du Monde Diplomatique (i) n’est pas une structure réellement indépendante du Monde Diplomatique et (ii) qu’elle n’est pas animée par de généreux lecteurs militants soucieux de l’indépendance financière et éditoriale du mensuel. Les lecteurs du Monde Diplomatique sont comme les électeurs de notre république : sans aucun pouvoir.
Venons-en, maintenant, à la tentative de censure, ce petit crime entre amis.
En mars 2013, j’ai été invité, sans les avoir sollicités, par les Amis du Monde Diplomatique de Montpellier pour faire une conférence afin de présenter mon livre, La Démocratie ambiguë, et pour répondre à la question suivante : « Sommes-nous toujours en démocratie ? ». Une semaine avant la conférence, les Amis du Monde Diplomatique de Montpellier ont reçu une lettre du Bureau des Amis du Monde Diplomatique demandant purement et simplement l’annulation de la conférence en raison des propos hétérodoxes que j’aurais tenus sur le 11 Septembre 2001 (ce que je revendique volontiers) !
Courageusement, et se pensant indépendants, les Amis du Monde Diplomatique de Montpellier décidèrent, à l’unanimité, de maintenir la conférence qui eut lieu, dura trois heures et se passa sans anicroche, pour se finir autour d’un bon repas en présence des organisateurs locaux. Seulement, le Bureau des Amis du Monde Diplomatique décidèrent, quelques semaines après la conférence, (i) de mettre fin aux fonctions du représentant local des Amis du Monde Diplomatique de Montpellier parce qu’il avait osé défier ses maîtres (événement dont l’intéressé me fit part par téléphone) et (ii) de retirer la vidéo de la conférence qui avait été mise en ligne sur Dailymotion (vidéo que je n’ai toujours pas réussi à récupérer). Le message est clair : les représentants locaux des Amis du Monde Diplomatique n’ont plus qu’à bien se tenir sur la question du 11 Septembre ou gare à eux !
Le plus intéressant dans cette tentative de censure (dont je n’ai pas vraiment à me chagriner à titre personnel puisque la conférence a eu lieu) c’est que Les Amis du Monde Diplomatique aient eu besoin d’empêcher un illustre inconnu (moi-même) de s’exprimer en public parce qu’il avait eu le tort de remettre en cause la version officielle des attentats du 11 Septembre (dans des articles publiés en France et à l’étranger entre 2003 et 2006 principalement). Le degré de contrôle de la pensée alternative semble disproportionné par rapport à l’enjeu somme toute dérisoire de cette conférence, mais il nous permet d’entrevoir à quel point la version officielle des attentats de 2001 est une clé de voute du temple oligarchique sans laquelle les États-Unis perdraient leur cohérence démocratique apparente (et tout l’Occident avec lui) pour ne plus montrer que leur cuirasse impériale, chaotique et oppressive.
« Des médias de plus en plus concentrés, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus médiocre. Longtemps, le désir de transformation sociale continuera de buter sur cet obstacle. » Serge Halimi – Les nouveaux chiens de garde – 2005 – Page 143
L’unanimité comme symptôme
Ici encore, comme pour les manœuvres occidentales en Libye et en Syrie, nous avons à faire à l’unanimité médiatique qui abreuve à la fois les bourgeois cultivés et les bourgeois contestataires. Unanimité dans l’analyse et dans l’anathème qui devrait paraître suspecte à tout esprit indépendant et en quête permanente de vérité. Il nous semble que cette unanimité – médiatique, mais aussi politique – est le révélateur par excellence d’une vérité difficile à admettre pour notre ego occidental : à savoir, que nous ne vivons pas en démocratie. Conclusion qui nous forcerait à réagir si nous devions l’accepter, mais qu’il faut prévenir. Réflexion qui s’impose pourtant d’elle-même après une étude un peu approfondie du 11 Septembre, des Printemps arabes, du massacre de Boston ou encore, de la construction européenne (et de sa paix des capitalistes), de l’agriculture moderne intensive (et de ses chimères génétiques) ou du réchauffement climatique (et de ses promesses apocalyptiques). Mais, conclusion à laquelle la contestation contrôlée ne veut pas que vous aboutissiez.
Lorsqu’il existe une telle unanimité sur des sujets comme ceux que nous avons évoqués, et qu’une connaissance un peu critique de ces sujets révèle un abîme aussi profond entre ce que défendent ceux que l’on pourrait nommer les Unanimous (du New York Times au Monde, de Fox News à TF1 et de Noam Chomsky à Serge Halimi) et la réalité qui se cache derrière, il faut naturellement en conclure que seule une idéologie totalitaire (à laquelle n’échappe aucun domaine de la vie en société) propre à la « démocratie représentative occidentale » peut produire une représentation médiatico-politique univoque : cette idéologie c’est l’Atlantisme (voir L’Atlantisme est un totalitarisme).
L’Atlantisme n’existe pas
L’Atlantisme implique la disparition des souverainetés nationales européennes (et de la démocratie – même représentative – qui lui est attachée) au profit du suzerain américain au cours d’un processus continu de vassalisation qui a débuté au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Idéologie dominante des sociétés européennes, mais idéologie cachée parce que honteuse de son statut de subordination par rapport à l’impérialisme américain dont elle est la servante mal payée (pour ne pas dire la putain), l’Atlantisme est, pour Le Monde Diplomatique, une idéologie qui n’existe pas.
Ainsi, en lisant le mensuel, vous ne serez jamais éclairés sur les liens d’argent et d’influence entre vos dirigeants et l’oligarchie américaine et sioniste, vous n’apprendrez rien sur la French American Foundation et sa politique de recrutement des élites (politiques, économiques, sociales et culturelles) françaises pour les mettre au service de l’empire américain, rien sur les actions du National Endowment for Democracy qui finance intellectuels, syndicalistes et politiques « amis des américains », rien sur l’actualité de l’opération Mockingbird qui débuta au tout début des années 50 au sein de l’Office of Policy Coordination (rattaché à la CIA) et qui initia cette politique d’influence américaine au sein de l’intelligentsia américaine et européenne, rien sur la manipulation du mouvement révolutionnaire trotskiste et de l’antiracisme institutionnel par des mouvances proches des intérêts WASP et Sionistes. Rien, par conséquent, sur les fondamentaux de l’Atlantisme, dont l’instrumentalisation du terrorisme islamique et l’alliance WASP-Wahhabite-Sioniste sont des composantes, rien sur les véritables raisons de l’intervention de l’OTAN en Libye, rien sur l’origine de la déstabilisation de la Syrie, rien, en un mot, sur les sujets qui fâchent l’oligarchie occidentale.
Mais, rappelons-le, pour ne pas nous étonner outre mesure du travail de désinformation (par omission le plus souvent) entrepris par le mensuel préféré de la bourgeoisie contestataire, le quotidien Le Monde, l’un des principaux vecteurs de l’idéologie atlantiste en France, détient 51% de l’actionnariat du Monde Diplomatique. Les liens financiers sont, bien mieux que les discours publics, révélateurs des allégeances et des soubassements idéologiques réels.
« Sans la collaboration des médias, il ne serait possible à l’Atlantisme d’imposer ses fondamentaux dans l’esprit de l’opinion publique. Les médias font partie intégrante de la machine de guerre atlantiste. Pour créer le consentement et l’unanimisme dans une société ouverte il convient de maîtriser la production de l’information. Pour cela il est nécessaire de mettre à la tête des principaux médias des serviteurs zélés de l’Atlantisme. »[10]
Le massacre de Boston, Le Monde Diplomatique et la CIA
Les deux jeunes américano-tchétchènes (Djokhar et Tamerlan Tsarnaïev) qui ont été accusés des attentats de Boston d’avril 2013 sont les neveux d’un certain Ruslan Tsarni. Ce dernier, a vécu deux ans dans la maison de Graham Fuller lorsqu’il était marié à sa fille. Graham Fuller est celui qui, au sein de la CIA, a mis en place la politique de recrutement des terroristes tchétchènes pour déstabiliser la Russie de Poutine. Il n’a fait, en cela, que poursuivre la politique d’alliance avec le terrorisme islamique wahhabite mise en place par lui-même et Brezinski dans les années 80 en Afghanistan pour chasser les Russes. C’est le témoignage à charge de l’oncle qui a servi de preuve médiatique de l’implication de ses neveux dans les attentats.
On est légitimement en droit de se poser des questions sur les véritables auteurs de l’attentat de Boston. Y voir un possible attentat sous faux drapeau (stratégie de la tension lors d’un marathon dédié à la mémoire des victimes de la tuerie de Sandy Hook[11]) ne paraît pas exagéré au vu des éléments exposés ci-dessus (et en considération des très nombreux autres éléments mis en lumière par des citoyens au sens civique aiguisé). Quel média un peu influent a-t-il osé mettre en cause la version officielle de cet attentat ? Aucun. Les médias du monde entier ont repris encore une fois la version officielle sans la défier, même sur un mode interrogatif.
Il est intriguant de noter que Le Monde Diplomatique ait ouvert ses colonnes à plusieurs reprises à Graham Fuller, notamment, dans son édition de septembre 1999 (« De puissantes forces modernisatrices ») et dans Manières de Voir (Islam contre Islam) en juillet/août 2002 (publication du Monde Diplomatique qui reprend les articles jugés importants sur un thème particulier) pour un article sur l’islam alors que son rôle clé dans l’instrumentalisation du terrorisme islamique par les États-Unis était connu dans le cercle étroits des gens biens informés. Donner la parole, sans mise en garde aucune, à un agent influent d’une des agences les plus criminelles de l’histoire du siècle dernier, c’est un peu piétiner tous les cadavres de ses innocentes victimes. Une conclusion semble devoir s’imposer : l’opération Mockingbird est toujours en cours[12].
Pour en finir avec la bourgeoisie contestataire
Le mandat de Nicolas Sarkozy s’est caractérisé par la mise au pas atlantiste des derniers bastions indépendantistes, souverainistes et gaullistes dans le domaine politique, militaire, diplomatique et culturel. Cette politique de « containment idéologique » s’est notamment traduite par la nomination en 2009 de Philippe Val, ancien directeur de Charlie Hebdo, à la tête de Radio France et par la mise à l’écart des indésirables (comme Richard Labévière, auteur du livre Dollars de la Terreur : les États-Unis et les islamistes où le lien entre les élites américaines, sionistes et wahhabites était mis en évidence). L’arrivée de Serge Halimi à la direction du Monde Diplomatique en 2008 après une guerre de tranchées entre anciens (relativement indépendants) et modernes (Atlantistes) s’inscrit parfaitement dans cette chronologie de la soumission atlantiste conquérante.
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D’une certaine manière on peut dire que Le Monde Diplomatique fait de la géopolitique vue du ciel (comme d’autres font de l’écologie vue d’hélicoptère)… pour ne pas descendre dans le marécage humain où se jouent les manipulations et les complots de l’élite, manipulations et complots (noms auxquels on pourrait substituer le mot « ententes ») qui se sont dissous dans le confusionnisme atlantiste post-11 Septembre[13]. Ce confusionnisme rend l’Occident et ses dirigeants imperméables à l’idée du mal au sein du carcan démocratique. Nos dirigeants, parce qu’ils s’inscrivent dans une superstructure imaginaire qu’est la démocratie, ne pourraient vouloir le mal même si leurs actions y conduisent ; ils seraient, en quelque sorte, immunisés contre les mauvaises intentions de l’âme humaine et les mauvaises pulsions de leurs instincts trop humains[14]. Belle excuse qui ouvre la voie aux charniers démocratiques, de Nagasaki à Houla, d’Hiroshima à Falludja.
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Nous l’avons vu, sur les sujets contemporains importants (instrumentalisation du terrorisme islamique, alliance WASP-Wahhabite-Sioniste, 11 Septembre, Atlantisme, Printemps arabes, Massacre de Boston, etc.) Le Monde Diplomatique nous offre une alternative contrôlée, bornée, inoffensive pour le système ; une critique passive, gentille, courtoise, bourgeoise, mondaine qui est également une niche idéologique et pécuniaire qui fait vivre un petit cénacle de gardiens du temple de la contestation bienséante. Son travail peut se résumer ainsi : il s’agit d’offrir un contrepoint à la vision oligarchique du monde qui soit à la fois un ventre mou idéologique et une croyance vague en quelque chose de différent sans conséquences précises. Autrement dit, il s’agit (i) d’empêcher le fleuve de déborder et (ii) de penser la contestation dans des limites étroites sans jamais la mettre en ordre de bataille.
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Le Monde Diplomatique concentre ses attaques, souvent légitimes d’ailleurs, sur le capitalisme, les marchés financiers, les inégalités sociales, autant d’aspects de la globalisation à propos desquels il semble difficile, pour l’opinion publique, d’opposer autre chose que de simples ajustements. D’ailleurs, Le Monde Diplomatique n’offre en ce domaine rien d’autre que des propositions assez vagues de nature réformiste.
La colère contre les conséquences de la globalisation semble ne pas pouvoir sortir de l’abstraction compassionnelle où la machine médiatique la maintient dans la mesure où c’est un système qui, d’après une perception assez généralisée, porte la culpabilité du mal qu’il peut produire et non pas des hommes et des femmes bien identifiées qui pourraient changer les choses et qui ne le feraient pas pour préserver leur bonheur égoïste. La haine du Monde Diplomatique pour le « populisme » est l’expression de cette perception, erronée sans doute.
Bien plus que la globalisation et l’ultra-libéralisme financier, les attentats du 11 Septembre (avec la prise de pouvoir frauduleuse des néoconservateurs en 2001 et leur coup d’État électronique de 2004) sont le talon d’Achille de la démocratie représentative américaine. Apprendre que vos dirigeants, illégitimement élus, tuent vos propres enfants pour accomplir quelques objectifs géopolitiques obscurs, c’est plus profondément troublant et enrageant que de savoir que le système capitaliste autorise le chef d’entreprise à se gaver de stock options pendant que vous touchez un salaire minimum… et ce d’autant plus qu’en votant pour les promoteurs et profiteurs de ce système vous en approuvez, même si ce n’est que tacitement, les aspects inégalitaires.
C’est pourquoi, l’oligarchie a besoin de maintenir les apparences démocratiques des sociétés occidentales : le droit de vote et la liberté d’expression doivent être maintenues, même sous forme illusoire et impuissante, pour permettre à l’oligarchie de désarmer les colères et de freiner les prises de conscience du caractère orwellien du show démocratique occidental. C’est ici que Le Monde Diplomatique joue parfaitement son rôle de chien de garde des espérances démocratiques impuissantes.
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Pour Serge Halimi « Le Monde diplomatique n’est pas la propriété d’un homme d’affaires ; il ne se plie pas au conformisme idéologique ambiant » [15]. Il dit vrai, son mensuel n’est pas la propriété d’un homme d’affaires… mais de trois : Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse qui sont propriétaires du Monde, le quotidien possédant 51% du mensuel. Il dit sans doute encore vrai lorsqu’il affirme que Le Monde Diplomatique « ne se plie pas au conformisme idéologique ambiant » : il n’y a pas de servilité dans son conformisme, mais une adhésion volontaire qui épouse les préjugés de nos élites sur les sujets sensibles pour l’oligarchie.
Ainsi, Le Monde Diplomatique n’est pas sensiblement différent des autres médias reconnus par l’élite oligarchique et bourgeoise. Il est, lui aussi, en dépôt de bilan moral depuis qu’il s’est rallié progressivement au dogme de son actionnaire principal – Le Monde – que ce dernier avait exprimé dans son éditorial du 13 septembre 2001 sous la plume de Jean-Marie Colombani, en ces termes : « Nous sommes tous américains »… qu’il faut traduire par : « nous sommes tous aveugles »… aveugles quant aux raisons et aux acteurs principaux des attentats du 11 Septembre, aveugles quant aux conséquences de ce ralliement, aveugles quant à la soumission volontaire de la classe médiatique et politique à l’Atlantisme et à ses compromissions.
Mais, pour en finir avec Le Monde Diplomatique et le mythe du média alternatif, laissons la conclusion à Serge Halimi, qui sait, mieux que quiconque, résumer la situation du journalisme français qui est aussi celle de son mensuel (extrait de son livre « Les Nouveaux Chiens de Garde »[16]) : « Révérence face au pouvoir, prudence devant l’argent : cette double dépendance de la presse française crée déjà les conditions d’un pluralisme rabougri. Mais on ne peut s’en tenir là. Tout un appareillage idéologique conforte la puissance de ceux qui déjà détiennent autorité et richesse. La somme des sujets tenus à distance et des non-sujets matraqués en permanence étend le royaume de la pensée conforme. »
Guillaume de Rouville, 6 décembre 2013
Auteur de La Démocratie ambiguë
[1] Plaquette de présentation du film, page 2 : http://www.lesnouveauxchiensdegarde.com/IMG/pdf/LNCDG-journal.pdf
[2] Idem
[3] En dépit de l’accord de Genève de novembre 2013 sur le nucléaire iranien.
[4] Voir notamment : « Les pièges d’une guerre », Serge Halimi, avril 2011, Le Monde Diplomatique.
[5] « Crimes médiatiques ou les conséquences meurtrières de la désinformation », 13 juin 2012, L’Idiot du village.
[6] « Israël, Palestine : vérités sur un conflit », Alain Gresh, Fayard, 2010, page 133.
[7] Il a quitté le Monde Diplomatique Norvège en 2007.
[8] À partir de la 55ième minute, dans le documentaire « Epouvantails, autruches et perroquets » d’Olivier Taymans.
[9] Animateur du blog d’opinion Counterpunch.org.
[10] L’Idiot du Village, http://lidiotduvillage.org/2012/10/10/latlantisme-est-un-totalitarisme/
[11] Tuerie sur laquelle il y aurait beaucoup à dire également en raison des nombreuses incohérences de la version officielle. Voir à ce sujet l’enquête de Sofia Smallstorm, novembre 2013 : « Unraveling Sandy Hook in 2, 3, 4 and 5 dimensions », http://memoryholeblog.com/2013/11/07/unraveling-sandy-hook-in-2-3-4-and-5-dimensions/
[12] Si Le Monde Diplomatique a cependant pointé du doigt les crimes des USA en Irak : (i) c’est qu’ils étaient trop voyants et que tout le monde avait fini par les dénoncer, sans conséquence aucune d’ailleurs et (ii) c’est en omettant soigneusement de nous dire qui étaient les néoconservateurs et l’idéologie qui les sous-tendait (la frange wasp-sioniste de la triplette qui, avec l’Arabie saoudite, est à l’origine du terrorisme islamique contemporain mondialisé). S’il a largement critiqué George W. Bush, Le Monde Diplomatique n’a pas voulu voir sa responsabilité directe dans les attentats du 11 Septembre, ni admettre qu’il était arrivé au pouvoir par un coup d’État avalisé par le Cour Suprême et qu’il a pu réaliser un second mandant grâce à un coup d’État électronique. Cela aurait peut-être choqué sa niche lectorale composée principalement de bourgeois contestataires.
[13] Confusionnisme très bien illustré par l’article de Frédéric Lordon : « Conspirationnisme : la paille et la poutre », 24 août 2012, Blog du Monde Diplomatique. L’auteur admet que des complots puissent exister, mais il prend soin de ne pas évoquer les sujets qui fâchent.
[14] Voir « Le Dogme de l’infaillibilité démocratique », L’Idiot du village, 6 août 2012.
[15] Voir le site des Amis du Monde Diplomatique : http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article1123
[16] Éditions Liber, 2005 – Page 73.
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