Le coup d’Etat du 9 décembre 2000

Il y a près de trois ans l’administration Bush arrivait au pouvoir à l’issue d’un coup d’Etat entériné par la Cour Suprême des Etats-Unis. La complexité juridique de la situation, la puissance médiatique de médias aux mains du clan conservateur et l’apathie des Démocrates, ont eu raison d’une opinion publique lasse des querelles politiciennes et prête à s’abandonner au premier candidat qui se déclarerait vainqueur. Les méthodes utilisées pour réaliser ce coup d’Etat semblent bien rodées pour le scrutin présidentiel de 2004 et font donc craindre le pire.

On sait que le système électoral américain permet qu’un candidat, ayant remporté moins de voix que son adversaire au niveau national, remporte néanmoins les élections (le candidat obtenant le plus grand nombre de voix dans un Etat, reçoit la totalité des voix des Grands électeurs de cet Etat ; le nombre des Grands électeurs de chaque Etat est fonction du nombre d’élus de cet Etat au Congrès : soit deux sénateurs et un nombre de députés proportionnel à la population de l’Etat). Ainsi, il n’y aurait rien eu d’irrégulier à ce que Gore, bien qu’ayant totalisé 539 898 voix de plus que son adversaire, perde néanmoins les élections, s’il n’avait pas obtenu plus de voix que George Bush dans l’Etat de Floride. Ayant perdu l’Etat de Floride, il n’aurait pu que regretter les défauts du système électoral américain et se résigner avec sagesse à sa défaite électorale.

Cependant, il semble ne plus faire de doute aujourd’hui, que le candidat Démocrate soit largement arrivé en tête dans l’Etat de Floride et qu’il ait ainsi remporté l’élection dans suffisamment d’Etats américains pour obtenir plus de Grands électeurs que son adversaire, ce qui aurait dû faire de lui le nouveau Président des Etats-Unis d’Amérique.

S’il a été privé de sa victoire dans l’Etat de Floride, c’est en raison d’une fraude à grande échelle organisé par le clan Bush.

Les deux principaux protagonistes de cette fraude sont Jeb Bush, gouverneur de l’Etat de Floride et propre frère de George Bush et Katherine Harris, à la fois codirectrice de la campagne électorale de George Bush et en charge de l’organisation des élections dans l’Etat de Floride (imaginez le magistrat chargé de contrôler une élection présidentielle dirigeant la campagne électorale d’un des candidats !).

Cette dernière, juge et partie dans l’élection, avait confié à une société privée, ChoicePoint Database Technologies, le soin de revoir les listes électorales de l’Etat de Floride avant les élections. Le résultat de ce travail fut l’élimination des listes électorales de plus de 50 000 personnes, au prétexte qu’elles n’avaient pas le droit de voter dans l’Etat de Floride en raison de la commission d’infractions diverses.

Il se trouve que 90 % des personnes radiées des listes, étaient inscrites en tant que Démocrates et, que pour l’essentiel, elles appartenaient à la communauté noire. Il s’est aussi avéré que les infractions qui leur étaient reprochées n’étaient pas fondées ou pas suffisantes pour les empêcher légalement de voter. Les personnes éliminées des listes n’ont pas été prévenues et l’ont appris le jour de l’élection. Aucun recours ne leur a été accordé. L’Etat de Floride n’a pas jugé utile de contrôler les méthodes utilisées par ChoicePoint Database Technologies et lui a conservé sa confiance pour les prochaines élections.

Le travail d’élimination des votes Démocrates ayant porté ses fruits dans l’Etat de Floride, l’administration Bush a eu l’heureuse idée d’étendre le système de vérification des votes, mis au point par ChoicePoint Database Technologies, à l’ensemble des Etats-Unis, pour les prochaines élections présidentielles américaines (Voir la loi « Help America Vote Act Of 2002 », Public Law 107-252).

Cette fraude s’est couplée à un décompte frauduleux des voix facilité par un système électoral vétuste et complexe permettant toutes les manipulations. Devant l’incertitude du premier décompte des voix dans l’Etat de Floride, il a été décidé de procéder à un second décompte.

Au fur et à mesure que le second décompte avançait, l’écart entre les deux candidats se resserrait de plus en plus en défaveur du Républicain. Sentant que la partie allait être perdue, le clan Bush décide de faire pression sur la Cour Suprême des Etats-Unis pour qu’elle interrompt ce second décompte avant son terme et déclare George Bush Président.

A 14 h 45, le 9 décembre 2000, la Cour Suprême, acquise aux Républicains, décide de mettre un terme au décompte des voix (il ne restait plus que quelques dizaines de voix d’écart au moment de l’interruption opportune du processus de recomptage des votes).

Cette décision représente bel et bien un ‘coup d’Etat’ dont tout laisse penser qu’il restera impuni.

Le plus inquiétant est que l’administration Bush dispose, aujourd’hui, de pouvoirs encore plus vastes pour réaliser une fraude électorale à l’échelle des Etats-Unis et pour réaliser un second coup d’Etat, qui, si l’opinion publique américaine est maintenue habillement dans un état de peur permanent, demeurera, lui aussi sans coupable, mais avec pour victime la démocratie américaine.

Références :

• ‘All the President’s Votes ?’ Par Andrew Gumbel dans The Independent, le 14 octobre 2003 dans L’Idiot ;

• ‘Do African-Americans still have the right to vote in the US ? de Martin Luther King III et Greg Palast dans The Baltimore Sun, le vendredi 9 mai 2003 dans L’Idiot ;

• ‘Visualize a Fair Election in 2004’, YES ! Magazine, Friday, August 22, 2003, by Greg Palast and Ina Howard.

• ‘Winning the Election – The Republican Way : Racism, Theft and Fraud in Florida’, The Weekly Dig, Boston, MA, Tuesday, April 22, 2003, by Liam Scheff ;

• File Sharing Pits Copyright Against Free Speech, NYT, November 3, 2003 By JOHN SCHWARTZ

• ‘Michael Moore contre-attaque’ de Michael Moore, La Découverte, 2001 ; voir le chapitre d’introduction intitulé ‘Un Putsch à l’américaine’ ;

• ‘The Best Democracy Money Can By’ de Greg Palast, Pluto Press, 2002.

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